Bonjour, cette quinzaine à Paris fut riche pour moi : j’y ai rencontré Rob Hopkins.
Source : http://www.bluepeak.net/mongolia/gobi.html
Je lui ai raconté la disparition de l’après pétrole dans la Charte pour un transition citoyenne et écologique signée en mai 2013 à Cluny.
Il ne connaissait pas cette histoire.
Le plus surprenant est que lui-même produit cette disparition dans ses propos : à force de faire de l’auto-congratulation et de se satisfaire des 21 histoires de la transition – la Mairie de Paris affiche les initiatives écologiques réussies dans le monde, les films abondent dans ce sens -, lui comme les autres passent à côté de ce questionnement : qu’oublions-nous de faire ? Passons-nous à côté de quelque chose d’essentiel ?
De toute la soiré qu’il a animée à La Générale le 4 décembre, les mots pétrole et réchauffement climatique (RC) n’ont pas été prononcés une seule fois !
J’y vois plusieurs écueils qui peuvent s’avérer dramatiques :
– ces initiatives sont loin de chez nous la plupart du temps ;
– prises toutes ensemble et rassemblées on pourrait croire qu’elles seraient source de résilience mais elles sont dispersées ;
– prises une à une, elles passent à côté de l’objectif oublié : quitter notre dépendance au pétrole afin de lutter contre le réchauffement climatique et nous préparer à l’après pétrole ;
– elles reposent beaucoup sur les énergies renouvelables pourtant non généralisables, ce que Rob Hopkins a reconnu lors de notre longue discussion en aparté ;
– parfois lorsqu’elles prônent les photopiles, en Inde par exemple, elles confortent cette idée de développement, prolongement du colonialisme comme le montre Maji Rahnema dans Quand la misère chasse la pauvreté ;
– elles nous confortent dans cette conviction selon laquelle notre niveau de vie n’est pas négociable ;
– et surtout elles ne débouchent jamais sur une transition suffisamment avancée, produisant tous nos biens de consommation vitaux sur place et de manière artisanale, pour que nous nous rendions compte qu’au final nos bagnoles ne nous servent plus à rien.
En quoi ces écueils sont-ils dramatiques ?
Ils sont dramatiques dans la mesure où ils ne nous mettent pas à l’abri du chaos qui fera logiquement suite à un effondrement brutal possible, faute d’avoir fait ce qu’il fallait faire : préparer d’urgence l’abondance gratuite. Ils sont dramatiques parce qu’ils nous font encore croire que l’effondrement est évitable.
Mais mon bad dream ne s’arrête pas là.
J’ai croisé Txetx les 9 et 10 décembre. Le 8 décembre je m’étais exprimé à la ZAC, très brièvement, devant environ 200 personnes, après les deux porte-parole des Alternatiba, Cécile et John, parmi 7 intervenants dont le célèbre hélicologiste Nicolas Hulot qui a réussi à ne pas se faire siffler, bravo ! Excusez-moi de le dire si crument mais John n’a rien pipé à mon intervention : le lendemain quand j’ai testé l’effet qu’avaient produits mes propos sur lui il a juste bafouillé, les forêts comestibles il n’avait pas capté et il n’avait pas le temps, stressé le garçon. Il est là probablement parce qu’il sait parler à une foule sans stresser.
Quant à Txetx, s’il n’avait pas plus de temps il était davantage dans l’écoute, mais je n’ai pas pu lui raconter grand chose… Autrement dit seuls mes mails et ce blog gardent trace de mon point de vue, mais que deviendront-ils ?!
Enfin à la ZAC j’ai croisé une copine transitionneuse qui m’a dit que plein de solutions émergent et qu’elles sont toutes bonnes à prendre. Sous-entendu que je perds mon temps à vouloir faire passer en force mes forêts comestibles, ma filière vestimentaire et l’habitat léger auto-construit ? Va savoir…
Donc pour résumer soit je parle au quidam moyen qui se dit : « s’il avait raison ça se saurait ! » n’est-ce pas John ?, soit j’essaie de parler à la tête de la pyramide mais Rob m’a-t-il entendu ? Et Txetx je l’ai juste approché, il est resté inaccessible, trop débordé pour me consacrer du temps.
Donc j’ai plutôt fait un bad dream. Dans 10 minutes les copains vont manifester à la Tour Eiffel. Pour revendiquer quoi ? Moins d’émissions de GES ? Pour faire la même chose en moins ? En moins polluant ? Comment les grands de ce monde peuvent-ils trouver des solutions au RC si nous-mêmes, militants de base, ne savons pas quoi mettre derrière le mot décroissance ? Ce qui était flagrant à Vénissieux lors du contre sommet le 14 novembre dernier.
J’ai tellement l’impression de parler dans le désert que j’avais pensé dans un premier temps appeler ce texte : « Txetx, au secours ! »
Paris, samedi 12 décembre 2015, 14h.
Robin Branchu