120 initiatives citoyennes pour une société dé-carbonée
Mouvement citoyen, le réseau français des villes et territoires en transition s’inspire du mouvement des Transition Towns né en 2005 à Totnes en Angleterre. Il rassemble en France plus de 120 initiatives protéiformes. Toutes visent à préparer, par des actions positives, les changements qu’impliquent la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre et la raréfaction des énergies fossiles. Entretien avec Corinne Coughanowr, membre du groupe de liaison national et à l’origine de Paris 15 en Transition.
La transition est un mouvement mondial initié par Rob Hopkins en 2005 à Totnes en Angleterre. Il s’agit d’inciter les citoyens d’un territoire (village, commune, ville, quartier, territoire, île, forêt…) à prendre conscience du pic pétrolier, du changement climatique, et de leurs conséquences.
Des milliers d’initiatives de Transition existent maintenant dans 37 pays qui coopèrent pour réduire radicalement leurs émissions de gaz carbonique tout en développant leur résilience (en diminuant leur vulnérabilité). La Transition est un processus qui propose des cheminements, de nouveaux modes de pensée et toute une panoplie d’outils qui pourraient nous aider à répondre aux chocs auxquels nous sommes confrontés.
Source :www.transitionfrance.fr
A quel moment le concept anglais de Transition Town est-il apparu en France ?
J’ai découvert l’expérience de Totnes en 2007 via un site web anglophone. J’ai contacté le mouvement en Angleterre qui m’a mise en relation avec un petit groupe de Parisiens intéressés. D’autres initiatives voyaient le jour en même temps en France comme dans le Trièves en Isère. Nous avons commencé à traduire les premiers documents produits à Totnes, à organiser des conférences et des projections. En 2010, nous comptions déjà une vingtaine d’initiatives en France pour en recenser plus de 120 à ce jour.
Comment naissent les initiatives de transition ?
Nous souhaitons promouvoir l’idée que sortir d’une société carbonée peut se faire dans le cadre de démarches positives qui renforcent le lien social et la convivialité. La naissance d’une initiative de transition sur un territoire s’appuie souvent sur une action concrète. Notre groupe Paris 15ème est né d’une Amap. Pour d’autres, le vecteur sera un jardin partagé ou une monnaie locale… Aujourd’hui notre groupe travaille sur de nombreuses thématiques : jardins, mobilité, alimentation et santé, etc. Notre dernière initiative est l’organisation de Repair’ cafés : ce sont des ateliers de réparation de petits objets électriques ou de vêtements et qui permettent aussi une sensibilisation à l’obsolescence programmée.
Ce foisonnement d’initiatives ne brouille-t-il pas votre message ?
Notre forme d’organisation est horizontale. Il n’y a pas forcément d’entités juridiques pour porter les actions. Nous ne voulons exclure personne et nous pensons que, pour mobiliser largement, les citoyens doivent pouvoir s’impliquer sur ce qui les intéresse, sans forcément s’engager dans des plans d’actions complets. Les passerelles se construisent au fur et à mesure. Il faut cultiver le lâcher-prise, se dire que les personnes qui participent sont lesbonnes puisqu’elles sont là ! En France, il n’y a d’ailleurs pas de label « Territoires en transition » [1], nous restons néanmoins attentifs à tout ce qui se revendique du mouvement.
Vous avez d’ailleurs créé une forme de coordination nationale… Il s’agit là encore d’une organisation très souple. Nous avions besoin de réfléchir ensemble et de construire une forme de représentation collective du mouvement. Et cela pour répondre aux demandes du réseau international, de groupes locaux et de partenaires potentiels. Un groupe de liaison de 12 personnes volontaires, venant de toute la France, s’est donc organisé. Nous avons créé un site internet, qui sert de boîtes à idées pour le mouvement, et qui recense les initiales locales comme les compétences des membres du réseau. Par ailleurs, nous organisons pour les groupes locaux des conférences, des formations et des rencontres nationales. Ces dernières se font souvent en partenariat, en nous associant par exemple à des événements « amis » [2]. Nous réfléchissons maintenant à essaimer ces actions d’animation et de coordination au niveau régional.
Quelle place faites-vous à l’ESS dans les processus de transition ?
C’est une question au centre de nos réflexions actuelles sur la relocalisation de l’économie qu’implique justement une démarche de transition. Cette relocalisation passe par un tissu dense d’activités économiques capables de satisfaire les besoins d’un quartier, d’une ville ou d’un village. Et les entreprises de l’ESS portent des valeurs qui constituent un terreau favorable à l’enracinement d’initiatives de transition : utilité sociale, démocratie et participation, lien au territoire, partage plus juste des richesses produites… Nous aimerions d’ailleurs confronter nos points de vue avec des représentants du secteur pour pousser plus loin la réflexion.
Quelles sont vos relations avec les collectivités locales ?
C’est très variable selon les territoires. La question s’est posée très vite, y compris en Angleterre, et il a été réaffirmé que le point de départ devait être une initiative citoyenne. Ce n’est qu’après avoir dépassé une phase de maturation que nous invitons les groupes locaux à se rapprocher des collectivités avec des propositions argumentées et cohérentes. Bien sûr, le rôle des collectivités locales est essentiel car des actions structurantes, comme la création de pistes cyclables, ne peuvent se mettre en place sans leur appui. Nos formes d’organisation et d’actions peuvent être déconcertantes mais cette souplesse, cette capacité d’adaptation sont les ferments de la vitalité du mouvement. Une structuration trop forte pourrait nous étouffer.
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(66 minutes)
E.n..T.r.a.n.s.i.t.i.o.n..2.0 (en Français) from blooh on Vimeo.