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Une nouvelle discipline – 2 août 2019 de Robin Branchu

Depuis 2007, date d’ouverture de mon premier blog, et même avant, je tente sans relâche de débusquer nos résistances au changement vers un monde moins destructeur. Et sans cesse je trouve de nouvelles explications.

Le 31 juillet au soir, lors d’une longue conversation à Saint-Jean-le-Blanc, à la ferme du haut d’Escures, dans le Calvados, il m’est apparu comme une évidence ce qu’il me faut écrire maintenant.

Une nouvelle discipline - 2 août 2019

le chardonneret élégant

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Nous sommes devant deux grands choix. Le premier est cette croyance et cette fuite en avant dans le progrès, les technosciences, l’informatique omniprésent, les GPA-PMA, les nanotechnologies, etc.

Le second choix est de se préoccuper, et de s’occuper de la destruction de la nature et de notre environnement.

Deux grandes voies qui, me semble-t-il, se présentent comme suit dans notre imaginaire encore mal formulé : certes l’environnement se dégrade, certes c’est bien dommageable, mais nous pouvons nous en accommoder. Exemple : la pollinisation par l’homme ou par les drones en remplacement des abeilles. La fuite en avant technologique pourra s’affranchir de la destruction de la nature. L’artificialisation du monde deviendra autonome par rapport au vivant. La destruction du vivant ne nous empêchera pas de survivre dans notre délire d’homme augmenté et de transhumanisme.

Voilà pourquoi, massivement, la destruction du monde vivant nous laisse de marbre. C’est cette croyance dans une séparation possible de ces deux branches, celles du progrès et celle du vivant.

Avec une telle représentation, les collapsologues les plus virulents ne nous atteignent pas, puisque l’effondrement du vivant n’empêche en rien la poursuite du développement du monde artificiel !

Il reste donc une autre discipline à inventer, dont je n’ai pas encore trouvé un nom : une discipline qui consiste à démontrer en quoi l’artificialisation du monde restera dépendante du monde vivant, en quoi l’effondrement du vivant  accompagnera dans sa suite celui du monde artificiel. En quoi la croyance d’une autonomie du monde artificiel vis-à-vis du monde vivant n’est qu’un leurre qui ne perdurera que tout pendant que le vivant ne sera pas détruit. Une discipline qui démontre que la destruction du vivant nous entraînera dans sa chute et nous rattrapera, inéluctablement.

 

Réfléchir, c’est mettre en lien deux idées qui sont habituellement séparées. Et là nous sommes bien en présence de deux champs constamment séparés : soit nous étudions la destruction du vivant, et nous nous en alarmons, soit nous sommes dans la sphère de la fuite en avant du tout technologique, et nous fantasmons sur un futur dont l’accélération de l’avènement et sa cohorte de promotion et de propagande nous permettent de le toucher du doigt… tout en oubliant la destruction du monde vivant, devenue anecdotique.

La destruction du vivant rattrapera-t-elle et empêchera-t-elle la course vers un monde artificiel ? J’en suis persuadé, tout comme je suis persuadé qu’une telle conviction n’est pas partagée. Les insectes et les oiseaux disparaissent ? C’est bien dommage pour eux, mais en dehors d’une question éthique, où est le problème ?! La fertilité des terres s’effondre ? Et alors ?! La production mondiale agroalimentaire n’a jamais été aussi importante ! Où est le problème, je vous le demande ?!

Ce n’est pas forcément la destruction du vivant qui provoquera l’accélération de l’effondrement du monde tel qu’il fonctionne, avec ses réseaux de production artificielle et de distribution mondialisés. En revanche, la destruction du vivant aura pour conséquence néfaste que nous ne pourrons pas nous remettre du krach qui pointe son nez et qui peut apparaître d’un moment à l’autre, sans qu’il soit encore et encore repoussé, tantôt plus loin, tantôt plus tard. Mais qu’il advienne, ici et maintenant.

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Leonard de Vinci

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Autrement dit : l’artificialisation du monde n’est pas durable, comme veulent nous le faire croire les scenarios futuristes d’un monde-machine au long cours.

Mais une conviction n’est pas une démonstration, loin s’en faut. Surtout lorsque tous les indicateurs portés par la méga-machine montrent le contraire.

C’est donc bien une véritable discipline qu’il faut faire émerger ici, afin de contrer tous les scénarios qui nous bercent d’illusion. Afin de pouvoir dire : « non, bonhomme, là ton truc ça ne marche pas, ça ne marchera pas, pour telle et telle raison que tu peux comprendre et que je vais t’expliquer. »

Et ça n’est pas de la collapsologie : c’est un croisement de deux visions, celle du progrès qui progresse et celle de la nature qui régresse, croisement qui amène  à l’impossibilité de continuer à croire en cette perpétuation du progrès puisqu’elle sera au final rattrapée par la destruction du vivant, avec un choc en retour qui sera ô combien douloureux ! Cessons de jouer avec le feu avant qu’il ne nous pète à la gueule. Nous croyons pouvoir nous affranchir du monde vivant, mais cette croyance n’est qu’un mirage qui, une fois la parenthèse refermée, nous sautera à la figure en nous laissant nus. Nous n’aurons alors ni le progrès, ni la nature : nous serons démunis, sans ressources, sans savoir-faire, juste bons à nous regarder dépérir et mourir. Car alors il sera trop tard, bien trop tard pour appeler à l’aide quiconque pour nous réapproprier dans l’urgence ces savoir-faire qui nous feront défaut dans un monde pollué, stérile, dépollinisé, surpeuplé, et rapidement sous-peuplé : transformé en charnier gigantesque, avec ses cohortes de maladies de l’insalubrité qui ne manqueront pas de surgir.

Résilience pourrait peut-être convenir mais c’est déjà pris. C’est aussi un sursaut collectif. Un renoncement. Une réconciliation avec les mondes d’avant la révolution industrielle. Un retour au raisonnable. La raisonnabologie ? ça évoque trop la bobologie, piège. La renonçologie ? Trop négatif, trop peu engageant. L’artisanologie ? L’artisane au logis ?

Publié par Robin Branchu sur son blog http://gorgerouge.unblog.fr/2019/08/02/une-nouvelle-discipline-2-aout-2019/

 

 

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