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Les visages de la transition en Amérique latine

par Catherine Pizani

À la croisée des cultures, des métissages, des engagements politiques, indigénistes et environnementaux se trouvent souvent des femmes et des hommes qui n’ont pas attendu les effets catastrophiques des changements climatiques pour vivre autrement.

Huehuecoyotl («  le vieux coyote » en langue nahuatl[i]) en est un exemple magnifique. Niché au cœur du parc national de Tepozteco, dans l’état de Morelos au Mexique, ce village écologique a vu le jour dans les années 80. Après avoir voyagé dans le monde entier avec leur troupe de théâtre, un groupe d’artistes et d’activistes décident de s’installer dans cette sierra mexicaine et de mettre en pratique leurs idées.

Leur philosophie : l’humain est un être qui peut vivre en harmonie avec la nature et dans un système où les responsabilités et décisions sont assumées de façon démocratique. L’art, la spiritualité, l’écologie, l’autosuffisance environnementale et le respect de l’autre sont leurs maîtres mots.

Pour un regard un peu conventionnel, la communauté peut sembler pittoresque voire soixante-huitarde. Cependant, Huehuecoyotl a survécu aux aléas de la vie communautaire en sachant évoluer et en restant à l’écoute des tendances environnementales et écologiques. L’habitat est construit avec des matériaux locaux, naturels, recyclés et est équipé de toilettes sèches. Les eaux usées sont utilisées pour arroser les jardins et potagers. L’eau se faisant rare huit mois de l’année, les habitants ont mis en place un système de collecte et de stockage des eaux de pluies qui rend le village pratiquement autosuffisant.

En 1997 le village se forme à la permaculture : un potager communautaire est créé et un système de contrôle de l’érosion des sols et de restauration de la terre mis en place. Cette même année deux maisons sont construites et alimentées en énergie solaire, toutes deux sont équipées d’un système de recyclage des eaux usées.

Au fil du temps, la communauté murit, évolue et s’ouvre aux autres. Les uns voyagent pour encourager d’autres projets similaires et rapporter des idées innovantes, les autres restent et accueillent des visiteurs du monde entier. L’économie du village s’articule peu à peu : la communauté se tourne vers l’écotourisme, organise des conférences, des ateliers artistiques, des cours de permaculture, des formations en écoconstruction, des randonnées, des rencontres avec d’autres villages entre autres activités. Les habitants aux profils professionnels variés (architectes, thérapeutes, permaculteurs, artistes, jardiniers, etc.) s’organisent et mettent leurs connaissances au profit de leur communauté. A Huehuecoyotl rien n’est définitif et tout est apprentissage. Aujourd’hui autosuffisante, la communauté est parfaitement consciente que l’indépendance économique est l’une des clés de sa pérennité. Le groupe évolue et ne se décourage pas.

À la fin des années 90, le village se forme aux techniques de prise de décision et de résolution de conflits par consensus transformant ainsi son organisation interne. Selon Alberto Ruiz, l’un des fondateurs du village, « l’endroit semble paradisiaque mais c’est le fruit d’une métamorphose de plus de 30 ans qui a eu lieu grâce à notre approche durable de la nature et à notre persévérance… »

Huehue comme l’appellent ses habitants avec tendresse, est une expérience humaine unique, imparfaite et qui renaît à chaque fois de ses erreurs. Chaque étape se construit grâce à la sagesse des plus vieux et à la créativité des nouvelles générations mais l’essence de la communauté reste la même : tous unis dans la diversité. Comme le disent ses habitants « nous sommes les survivants d’un processus humain en évolution ». Ainsi soit-il.

Pour en savoir plus : http://huehuecoyotl.net/

https://www.youtube.com/watch?v=o9jv32Rh244

Figure 1 Le village

Figure 2 Système de collecte des eaux de pluie

[i] Une des langues indiennes les plus anciennes et les plus parlées au Mexique, certains de ses mots ou expressions se retrouvent dans l’espagnol quotidien des Mexicains.

 

 

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